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Rachel Mahler
Née en 1961
à Bâle, Rachel Mahler réalise des installations, œuvres graphiques et sculptures
depuis les années 1990. Chacune de ses installations propose un petit univers,
un petit monde consolidé mais aussi habité par l'imaginaire et les songes de
l'artiste. Meubles de la vie quotidienne plus ou moins récents (table, chaise,
placard…), matériaux divers (coton, voilage, tapis, bois, céramique, plastique…),
éclairages feutrés (lampions, petite lampe, lustre partiellement masqué) composent
ces microcosmes désertés par l'humain mais chargés de sa présence. Peinture,
dessin et pyrogravure s'y déploient en jouant sur différents degrés de perception
(dessin détaillé, silhouette épurée, motif de petite ou grande taille, emplacement
du graphisme discret ou évident, décalage entre le sens premier et le véritable
sens…).
A travers ces différentes techniques, R.M. élabore une iconographie poétique
et onirique puisée dans l'imaginaire de l'enfance où coexistent le doux et l'inquiétant,
le calme et le danger. Son univers est peuplé de figures emblématiques - avec
une prédilection pour les femmes fabuleuses - (nymphe marine, sirène, dragon,
serpent, clown…) et ornements (roses, cœur, entrelacements…) empruntés au vocabulaire
du tatouage auxquels s'ajoutent des formes simples, naturelles (fleur, papillon,
ours…).
Si ces espaces semblent figés dans un présent indécis (quelqu'un vient de partir
ou va entrer ?) leur organisation particulière ainsi que les multiples marques
graphiques disséminées ici et là sur les murs et meubles signifient qu'il y
a eu un passé. C'est le visiteur qui, en pénétrant dans ces petits mondes, les
réveille pour leur confier à nouveau un présent.
Les œuvres graphiques et sculptures illustrent sa fascination pour la coexistence
des opposés : l'intellectuel/le physique, le haut/le bas, le sérieux/le léger
dans le dessin " Wo ist oben, wo ist unten ? " (Où est en haut, où est en bas
?) (1996) où elle représente dans une moitié de la feuille un cerveau et, dans
l'autre moitié, un intestin qui peuvent être lus dans les deux sens (cerveau
en haut ou en bas) frappée par la ressemblance de ces deux parties du corps
humain ; les deux cibles en coton de 1991 (sans titre) réunissent quant à elles
douceur et violence puisque sous l'apparence de coussins vaporeux, elles sont
peintes telles de véritables cibles et plantées d'un clou qui matérialise une
balle.
Les deux œuvres exposées ici sont : " Rêve bleu " (2005) et " Repos I " " Repos II " (2001).
La première, " Rêve
bleu " (2005), a été spécialement conçue pour cette exposition et constitue
la première installation réalisée en extérieur par Rachel Mahler.
Après avoir découvert les lieux, R.M. a immédiatement souhaité créer une œuvre pour le jardin en le concevant telle une maison dont le ciel serait le plafond et le monde les délimitations. Elle a décidé de placer sur l'herbe un lit métallique blanc. Lit qui, datant du début du XX° siècle, reposait dans son atelier. Petit clin d'œil, au passage, aux meubles de jardin en métal. Elle a fabriqué le matelas sur lequel elle a dessiné une scène inspirée d'un coussin de sa grand-mère (selon les procédés de la tapisserie qu'elle a pratiquée), scène à première vue classique du linge de maison : des animaux et des humains dans la nature. Il s'agit en fait de chasse entre chevreuils et chasseurs avec répétition du motif (effet miroir). Comme si le rêve d'enfant se réalisait : ce sont les animaux qui survivent et les chasseurs se chassent eux-mêmes (effet miroir). Elle joue donc sur un double décalage : on croit avoir affaire à une scène idyllique alors qu'il s'agit de chasse et ce ne sont pas les chevreuils qui sont chassés mais les chasseurs!
La deuxième installation est constituée de deux oeuvres, " Repos I " (2001)
et " Repos II " (2001)
Deux chaises en bois peintes en blanc, datant des années 1920/1930. Sur chacune d'elles, elle a dessiné un motif très discret, au crayon de papier, l'un sur la partie siège, l'autre sur la partie dos : une femme-capitaine entourée de bulles de savon qui semblent provenir du ciel (siège) et un cœur enflammé (dos) avec la flamme placée dans la partie supérieure du cœur (symbole , dans le tatouage , de la vie et de la force de l'amour) pour la première chaise, pour la seconde, une sirène (siège) et un perroquet en liberté (dos). Ces deux chaises, par leur ancienneté, leur simplicité mais aussi leurs motifs, semblent provenir de l'enfance, comme si tout à coup, un souvenir d'enfance venait se matérialiser devant nous… Cécile Desbaudard