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Pierre-Yves Freund

Né en 1951, Pierre-Yves Freund travaille depuis les années 1990 sur les notions de trace, mémoire et empreinte à travers des œuvres reliant sculpture et installation.
La plupart du temps basées sur le procédé du moulage en plâtre, elles s'organisent en séries de pièces plus ou moins semblables, parfois issues du même moule comme dans " Petites Maisons " (2003) et " Grandes Maisons " (2003), parfois générées par plusieurs moules déclinant le même type de forme mais selon diverses tailles " Petites Boîtes " (2004).

Dans tous les cas, ces formes proches ne peuvent accéder à l'exacte reproduction car même lorsqu'elles résultent de l'utilisation d'un seul moule, le démoulage les dissocie, marquant chacune d'elles d'une manière particulière (adhésion au moule plus ou moins forte, cassures…). Le moule est parfois intégré à l'œuvre comme dans " Lucioles " (2004) où le plâtre a été coulé dans des bas noirs formant alors, sous le poids de la matière, des bulbes blancs qui prolongent, en l'étirant, le tissu noir du bas. Aux notions d'empreinte, trace et mémoire déjà évoquées (présentes à travers le moulage mais aussi la ressemblance formelle qui, pour permettre la distinction de chaque pièce, nécessite la mémorisation des précédentes) s'ajoutent la volonté de décliner une même forme selon de faibles degrés de différenciation et de créer une occupation de l'espace à la fois plurielle et homogène.
Ces installations reposent, en effet, sur un ordonnancement rigoureux des sculptures : elles sont alignées et/ou peu espacées- leur espacement est d'ailleurs bien souvent régulier - ce qui permet une délimitation précise de leur positionnement au sol ou sur les murs. L'occupation de l'espace est donc homogène, clairement définie mais ponctuée de vides car constituée d'une addition de petits éléments et non d'une unique sculpture.

L'œuvre présentée, "Bâtons brisés" (2005), créée pour l'exposition, fait suite à une installation, "Bâtons aveugles" réalisée en 2004.

Dans un premier temps, en février 2004, Pierre-Yves Freund détruit son carnet de notes, chaque page est arrachée, roulée, nouée d'un bolduc rouge et placée dans un petit bâton de plâtre. Les imperfections de l'adhérence du plâtre permettent la réapparition, au sein du bâton plâtré, de quelques éléments écrits du carnet de notes détruit. Deuxième temps, en mai 2004, 18 de ces bâtons sont disposés sur un plateau de la Vallée du Jabron (Alpes de Haute-Provence) appuyés contre un arbre ou directement allongés sur le sol jonché de feuilles mortes.

Dans "Bâtons brisés" (2005), Pierre-Yves Freund a cassé une série de bâtons parmi les 100 existants et ne présente que les parties où l'écrit perdure. Les bolducs rouges sont conservés. (P.Y.F. fabrique de nouveaux bâtons afin d'en conserver 100 entiers en permanence). Quelques bâtons brisés reposent au sol, certains sont appuyés contre les murs, la plupart disposés sur un socle pyramidal en plâtre blanc où ils forment un arc de cercle. Dans cet espace d'exposition (cave aux murs blancs) où dominent les arrondis, P.Y.F. ouvre le dialogue en introduisant une démultiplication d'angles créés par les bâtons brisés. Un autre dialogue - parmi d'autres (fragilité du bolduc/rigidité du bâton de plâtre, couleur rouge du bolduc/blancheur des bâtons et des murs, extrême discrétion des traces écrites/omniprésence des bâtons…) - entre le rectiligne et la courbe réside au sein même de l'œuvre où se côtoient les 4 lignes formées par chacun des angles de chaque bâton, les courbes de l'écriture manuscrite et les nouements indisciplinés de bolduc. Cent bâtons peut-être. Cécile Desbaudard