Cécile Meynier

Dérapages
ou toutes ces fantaisies inutiles que traverse l'architecture et que j'aime à souligner dans notre paysage urbain.

Ce sont ces phases intermédiaires de l'espace construit qui motivent mon travail : la maison inhabitée, le pont inachevé, la route impraticable ou encore le mur recouvert de tags que l'on tente de cacher (Cache-tag), les dispositions aléatoires d'objets sur le trottoir (Sculptrues) ...
Bref, tous les défauts et curiosités possibles que peut supporter la ville. Tous ces instants où le "réel" est confus, où sa raison d'être n'est plus et se renouvelle par la même occasion.

Voilà donc ce goût pour les déviances de l'espace construit que je tente moi-même de provoquer à travers les Dérapages par exemple.
La série et la numérotation des Dérapages sont déterminées par le fait que chaque Dérapage est le révélateur d'un espace construit : il peut y avoir autant de Dérapages que d'espaces dessinés par l'organisation spatiale du territoire urbain.

Je peux constater une certaine logique dans mon processus de création où, ponctuellement, certaines règlent influent dans le temps de fabrication.
Avant tout, chaque pièce est déterminée par le lieu d'intervention : la configuration de ce lieu définit le format et les dimensions souvent grandes et imposantes du fait de travailler à l'échelle 1.
À un moment donné de la fabrication je me surprends à exécuter un acte artisanal systématique et automatique comme dans la découpe des revêtements de sol aux dimensions du lieu jusqu'au moment ou je décale cette surface de son angle d'origine et que je la nomme Dérapage.
Quant aux matériaux utilisés, ils sont issus du quotidien dans un souci d'accessibilité, de simplicité et d'évidence, afin d'éviter toute dimension poétique et sensible car malgré l'aspect formel et esthétique de certaines réalisations, je ne cherche pas à plonger le spectateur dans un espace fantasmagorique mais seulement à lui proposer une réalité incertaine aux règles bancales par un déraillement parfois absurde de la perception logique que l'on peut avoir de notre environnement quotidien.
Je m'approprie ainsi des éléments repères issus de la culture populaire. Ces éléments sont alors détournés de leur fonction première et mis en situation déviante, échappant soudain à leur réalité, rendant leur fonction non viable.
Le Dérapage est une proposition formelle pour provoquer la mutation et le changement par l'accident. La plupart de mes réalisations sont éphémères car dépendantes du lieu d'intervention. C'est en cela que l'art est intéressant. Il permet d'expérimenter des solutions et des systèmes novateurs, des environnements plus accessibles et immédiats dans la mesure où les contraintes techniques sont moindres du fait de l'éphémérité de toute production in situ, contrairement au travail de l'architecte par exemple qui doit tenir compte de l'usage et de la pratique futurs de sa construction pérenne par les individus qui l'occuperont dans le temps." Cécile Meynier


Cécile Meynier, Baskett-fall, 2004, Montigny-sur-Vingeanne

pour en savoir plus : le blog de Cécile Meynier